Browsing by Author "Tigziri, Noura"
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Item LA TRADUCTION DU DISCOURS JURIDIQUE EN BERBERE (KABYLE). ESSAI D’ANALYSE COMPARATIVE DE LA TRADUCTION DU FRANÇAIS VERS LE KABYLE, DE LA DECLARATION UNIVERSELLE DES DROITS DE L’HOMME. APPROCHES TEXTUELLE ET JURILINGUISTIQUE(2019) Tigziri, Noura; Boukherrouf, RamdaneLa langue amazighe (berbère), était une langue minorée, réduite à l’usage quotidien, parlée uniquement dans les régions amazighophones1. Elle fait partie des langues chamito-sémitiques au même titre que l’arabe et l’hébreu. Elle couvre une vaste aire géographique : de l’Afrique du Nord comprenant le Maroc jusqu’en Egypte en passant par l’Algérie, la Tunisie et la Lybie sans oublier le Sahara et une partie du Sahel Ouest-africain avec de nombreux locuteurs au Mali et au Niger Chaker (1983). La réalité linguistique du domaine berbère montre que la langue connait une fragmentation et une dialectalisation parfois importante d’un point à un autre. À l’intérieur du dialecte kabyle, des divergences se manifestent particulièrement en phonétique et dans le lexique. L’intercompréhension est parfois difficile avec les autres variantes de l’amazigh. Sur la plan revendicatif, Les amazighs et particulièrement les kabyles ont toujours lutté pour la reconnaissance de leur langue et identité. En effet, l'orientation du discours politique nationaliste vers les années 40 sur l’identité algérienne ne laissait aucun doute puisque, déjà à cette époque on trace une identité arabo-musulmane de l'Algérie. Lors de la création du comité de libération du Maghreb arabe en 1947, les kabyles de la fédération de France, sous la plume de Rachid Ali Yahia, déclarent « l’Algérie n’est pas arabe, elle est algérienne... » dans l’Etoile Nord Africaine Durant toutes ces années et ce depuis les années 40, toute revendication identitaire ou linguistique était perçue comme une manoeuvre de division de l’unité nationale. La revendication culturelle et identitaire a toujours été l’une des priorités des militants berbères. Mais jusqu’en 1980, elle n’était portée que par quelques militants dont la majorité 1 Nous présentons aux annexes la carte géographique de la dispersion des dialectes amazighs dans le territoire de la Berbérie. 2 d’entre eux vivait en France. Inlassablement, l’amazighité est présentée comme facteur de division de la nation. La seule langue nationale et officielle est la langue arabe standard, ou littéraire, qui par ailleurs n'avait aucun territoire puisqu’elle n’était parlée dans aucune région d'Algérie. Les langues parlées comme l'amazigh et l'arabe algérien, présentes au quotidien dans des territoires bien définis, sont jetées aux oubliettes et interdites dans les échanges officiels et dans l'administration. La création en 1979 de l’université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou a permis une concentration d’intellectuels et militants berbères. Cela explique sans aucun doute l’avènement, une année plus tard en 1980, du printemps berbère. Ainsi, pour la première fois, les Kabyles sont sortis massivement dans les rues de la Kabylie pour dénoncer le régime et crier haut et fort leur ras-le-bol. Pour la première fois, ils ont dit publiquement et massivement non à l’arabisation et ont affirmé leur amazighité qu’ils sont décidés à défendre. Le printemps amazigh de 1980 a joué un rôle prépondérant dans le mouvement démocratique qui, presque 10 ans plus tard a atteint sa maturité avec les évènements d’octobre 1988 conduisant à l’ouverture du champ politique et médiatique. Grâce à un mouvement de revendication pour la reconnaissance constitutionnelle de la langue et la culture amazighes, l’état algérien reconnait, à travers la constitution en novembre 1996, l'amazighité comme l'une des constituantes de l'identité algérienne au même titre que l'islam et l'arabité. En mai 2002, une année après les évènements tragiques de Kabylie de 2001 qui ont coûté la vie à plus de cent vingt-huit jeunes kabyles pendant les manifestations du printemps noir, le parlement vote et approuve la langue amazighe comme langue nationale mais non officielle. Il a fallu attendre la révision de la constitution du 07 février 2016 pour enfin voir la langue amazighe, être consacrée langue officielle en Algérie. La langue amazighe a bénéficié également d’énormes progrès institutionnels : Son introduction dans l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique est concrétisée par l’ouverture cinq départements de langue et culture amazighes dans les universités de Tizi-Ouzou (1990), de Bejaia (1991) de Batna (2008) de Batna (2012) et de l’ENS d’Alger (2016). Au niveau de l’éducation, durant l’année scolaire 1994–1995, le boycott scolaire a permis l’introduction de tamazight dans le système éducatif et la création du Haut-Commissariat à l’Amazighité2 (HCA), institution rattachée directement à la Présidence de la République, chargé de la réhabilitation de la langue et de la culture amazighes. En décembre 2003, la langue berbère a bénéficié d’un centre national pédagogique et linguistique pour l’enseignement de la langue amazighe. En matière de communication et des médias, après avoir été introduite en 1991 dans un journal télévisé avec cinq variantes différentes, la langue berbère bénéficie de deux institutions importantes à côté de la radio nationale (chaîne II) : la télévision nationale en berbère créée en (2009) et deux radios régionales kabyles, Radio Soummam à Bejaia en (2000) et Radio Tizi-Ouzou en (2011). 2 Créé par le décret présidentiel n° 95-147 du 27 mai 1995. 3 En l’absence d’une langue amazighe commune, langue non aménagée et introduite récemment dans le système éducatif algérien, il est parfois difficile de trouver une terminologie nécessaire pour décrire les domaines de la modernité auxquelles la langue amazighe doit faire face depuis son officialisation et son introduction dans l’enseignement. Son introduction à l’université en 1990, à l’école à partir de 1995 et dans les médias et surtout depuis son officialisation a vu les besoins en traduction -du français vers l’amazigh et de l’arabe vers l’amazigh-augmenter considérablement. En matière de production, les premières traductions étaient portées surtout par les militants dévoués à la cause amazighe. Nous pouvons citer notamment, les fameuses adaptions théâtrales et poétiques de Mohand Ouyahya (1974 à 1991) qui ont marqué l’histoire de la traduction et de l’adaptation kabyle. Au niveau institutionnel, après la l’officialisation de la langue amazighe, le Haut-commissariat à l’Amazighité, institution chargée de la promotion et de la réhabilitation de la langue amazighe, s’est lancé dans une tentative de traduction de quelques textes officiels, notamment la déclaration du premier novembre de 1954, le congrès de la Soummam de1956, la constitution algérienne de 2016 et quelques textes universels : Déclaration universelles des droits de l’homme, déclaration relative au droits de l’enfant et le programme des objectifs du développement durable. Dans le domaine romanesque, en guise de la commémoration du centenaire de la naissance du romancier kabyle, le feu Mouloud Mammeri (1917-2017), ladite institution a traduit trois de ses romans : la traversée, le sommeil du juste et le banquet, la mort absurde des aztèques. Dans cette communication, nous présenterons les résultats de notre recherche sur la comparaison entre le texte sur « la déclaration universelle des droits de l’homme (1949) de l’Organisation des nations Unies et sa traduction en amazigh élaborée par le Haut commissariat à l’amazighité (1917). A la suite des travaux de Cornu (2005) qui définit le discours juridique comme tout message qui tend à l’établissement ou à l’application des normes du droit, notre corpus s’inscrit dans cette grande catégorie. Cette dernière recouvre à son tour plusieurs catégories caractérisées par plusieurs typologies. En partant des différentes stylistiques et syntaxique, Gemar (1995) propose six principaux langages : le langage du législateur ou style législatif, le langage de la Justice ou style judiciaire, le langage de l'Administration ou style réglementaire, le langage des affaires, le langage « privé », celui du particulier, qu'incarne le droit civil et le langage de la doctrine. Ces différences du langage sont traduites par plusieurs genres : le discours législatif, le discours juridictionnel, le discours administratif, le discours des actes juridiques et le discours juridique doctrinal. Nous utiliserons un éditeur de texte pour faire une analyse comparative entre les deux versions afin de voir dans quelle mesure, la traduction est fidèle à l’esprit du texte d’origine et à travers les collocations et les concordances, nous essaierons de montrer l’incidence de la traduction militante sur la portée et la signification globale du texte. Pour illustrer notre démarche et mener à bien notre analyse, nous avons fait appel aux travaux de Meschonnic (1999, 2007), travaux qui partent d’une approche textuelle de la traduction et qui suggèrent de faire paraitre dans la pratique de la traduction la pensée de la poétique et la pensée du langage. En se sens que la traduction ne se limite pas aux sens des mots mais elle vise à atteindre le texte comme porteur et porté de la pensée, comme le montre l’auteur : 4 […] une bonne traduction ne doit pas être pensée comme une interprétation. Parce que l’interprétation est d’ordre du sens, et du signe. Du discontinu. Radicalement différente du texte, qui fait ce qu’il dit. Le texte est porteur et porté. L’interprétation, seulement portée. La bonne traduction doit faire, et non seulement dire. Elle doit, comme le texte, être porteuse et portée. (1999 : 25). Longtemps axé sur la linéarité du texte, l’analyse textuelle, qui à un moment donné s’est surtout intéressé à définir la textualité comme une affaire d’enchainements et de séquences, s’intéresse désormais aux récurrences graphiques et aux collocations lexicales. C’est pourquoi dans l’analyse des données du texte, nous avons opté pour une approche lexicométrique. Nous nous sommes appuyés sur la démarche entreprise par Labbé dans l’analyse des discours politiques présidentiels (1983, 1990, 2002, 2003) qui prend en charge la lemmatisation et la catégorisation des données textuelles, le classement par catégories grammaticales des unités sur-utilisées et sous-utilisées et l’analyses des univers lexicaux dans le texte. Comme nous nous sommes également inspirés du travail de Leblanc (2017) portant sur les analyses lexicométrique des voeux présidentiels. Vu l’importance des corpus auxquels le chercheur doit faire face, il a vite compris qu’il faut se doter d’outils informatiques, devenus par ailleurs classiques pour les sciences sociales et humaines, pour l’analyse du discours. Evidemment, les outils sont nombreux et le choix de l’un d’eux dépend surtout des choix méthodologiques du corpus de l’analyse statistique. Pour notre part nous avons choisi l’outil informatique de statistique Antconc3 pour sa simplicité et les outils dont ils disposent utiles pour notre analyse. Cet outil, conçu par Laurence Anthony, propose plusieurs fonctionnalités, mais nous n’en avons retenu que quelques-unes, pertinentes pour notre recherche. D’abord, nous avons utilisé essentiellement la segmentation du texte en unités minimales graphiques, présentées sous forme d’un tableau, ensuite nous avons passé aux fonctionnalités de concordances autour du pivot, les collocations et les clusters ou (groupes de mots contigus) contenant un mot pivot (univers lexicaux). Par ailleurs, le logiciel présente quelques contraintes techniques relatives à la reconnaissance de quelques graphèmes de la langue amazighe. Pour palier à cette limite, il suffit de travailler avec une police UNICODE avec un codage UTF8, d’une police UNICODE avec un codage UTF8, d’utiliser le fichier (.txt ou .html) et de régaler les éléments graphiques non séparateurs de mots (ajout des graphèmes spécifiques à Tamazight pour que le logiciel reconnaisse les textes écrits en tamazight). Nous présentons dans ce qui suit le contexte de production et l’organisation textuelle des deux textes, puis une analyse lexicométrique des données des deux textes et enfin une discussion sur l’incidence de la traduction sur la portée et la signification globale du texte.